Chaque année, certaines entreprises sont tenues d'engager une négociation annuelle obligatoire (NAO) au cours de laquelle est notamment évoquée la thématique liée à la rémunération des salariés. Une prime peut-elle être attribuée au personnel de l'entreprise à l'issue des NAO ?
Prime et NAO : qu'est-ce que la négociation annuelle obligatoire ?
Principe
Certaines entreprises sont obligées d'engager, chaque année, des négociations dont les thèmes sont légalement et précisément définis. Il s'agit de la négociation annuelle obligatoire (NAO).
Important : la NAO est une obligation de négocier et n'implique aucunement l'obligation de parvenir à la signature d'un accord collectif. De ce fait, la NAO peut aboutir soit sur la signature d'un accord, soit sur un PV de désaccord (qui peut être, ou non, accompagné de mesures unilatérales de l'employeur).
L'obligation annuelle de négocier s'applique aux employeurs dont l'entreprise comporte une ou plusieurs sections syndicales représentatives (article L. 2242-1 du Code du travail). La délégation de chacune des organisations comprend le délégué syndical ou, en cas de pluralité de délégués, au moins 2 délégués (article L. 2232-17 du Code du travail). Cette délégation peut être complétée, sous certaines conditions strictes, par des salariés de l'entreprise.
La NAO porte sur les 2 grandes thématiques suivantes :
- la rémunération (salaires effectifs), le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée dans l'entreprise ;
- l'égalité professionnelles entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail.
À noter : la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 a créé de nouvelles mesures afin de lutter contre l'inégalité de rémunération entre les hommes et les femmes (articles L. 1142-7 et suivants du Code du travail. Désormais, la loi impose à l'employeur un objectif de suppression des écarts de rémunération. La négociation obligatoire pourra porter également dans ce cadre sur des mesures de correction et le cas échéant sur la programmation de mesures financières de rattrapage salarial.
Bon à savoir : suite à une décision de la Cour de cassation rendue le 8 mars 2023, les employeurs ne peuvent plus invoquer la confidentialité des bulletins de paie pour cacher une inégalité de salaire. Les femmes peuvent désormais exiger de consulter les bulletins de paie, sur une période aussi longue que nécessaire, de leur collègues hommes occupant un poste similaire (Cass. soc., 8 mars 2023, n° 21-12.492).
Précisons que, dans les entreprises d'au moins 300 salariés et ce, tous les 3 ans, une négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels doit être engagée. Il s'agit donc d'un des temps fort du dialogue social dans l'entreprise.
L'employeur qui ne respecte pas son obligation s'expose à des sanctions pénales tel qu'un an d'emprisonnement et une amende de 3 750 € (article L. 2243-1 du Code du travail).
À retenir : un accord d'entreprise peut toutefois modifier la périodicité des négociations pour tout ou partie des thèmes, dans la limite de 3 ans pour les deux négociations annuelles et de 5 ans pour la négociation triennale (article L. 2242-20 du Code du travail).
Être formé à la négociation annuelle
Dans le cadre de l'amélioration des pratiques de négociation entre employeurs et salariés, la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 a instauré la possibilité pour ces derniers de suivre des formations communes. Ces formations suivies sur un même lieu et au même instant par l'employeur et son/ses salarié(s) a pour but de leur apporter toutes les connaissances, les compétences et les outils pour améliorer les pratiques du dialogue social et de la négociation au sein de l'entreprise.
Ces formations sont financées :
- pour les employeurs : par les fonds d'assurance formation des non-salariés ;
- pour les salariés : dans le cadre, soit du congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale, soit du plan de formation au titre des actions d'adaptation et de développement des compétences ou des actions de formation relatives à l'économie et à la gestion de l'entreprise.
À l'issue de la NAO, une prime peut-elle être versée aux salariés ?
Que ce soit l'accord NAO ou une mesure unilatérale de l'employeur qui la prévoit, l'attribution d'une prime est tout à fait envisageable.
L'accord collectif ou la mesure unilatérale doit précisément définir les conditions d'attribution de cette prime et doit impérativement respecter les principes « à travail égal, salaire égal » ainsi que l'égalité entre les femmes et les hommes.
Il peut être prévu, par exemple, l'attribution d'une prime :
- d'un montant fixe à l'ensemble des salariés de l'entreprise ;
- réservée aux salariés percevant un salaire inférieur à un montant défini ;
- dont le montant est fonction de la rémunération annuelle du salaire, de la catégorie professionnelle, de l'ancienneté, etc.
Ainsi, à l'issue d'une NAO, les représentants des salariés et l'employeur peuvent donc négocier l'attribution d'une prime qui peut revêtir plusieurs formes (prime annuelle, prime exceptionnelle, prime de fin d'année, etc.), conditions d'attribution et modalités de calcul.
Pour autant, l'attribution d'une telle prime ne doit en aucun cas être discriminatoire.
Exemple : une prime réservée aux seuls salariés à temps complet, excluant les salariés à temps partiel, est discriminatoire. Il est également à savoir, qu'en l'absence de modalités spécifiques prévues pour les salariés à temps partiel, le montant de la prime ne doit pas être proratisé (Cass. soc., 15 septembre 2010, n° 08-45.050).
Dans la pratique, la décision d'accorder une prime aux salariés est prise lorsqu'il n'est pas prévu d'augmentation générale des salaires de l'entreprise.
Toutefois, la NAO ne peut pas porter sur les décisions individuelles et nominatives en matière de rémunération. De ce fait, aucune prime nominative ne peut être attribuée dans ce cadre. Pour autant, l'accord collectif ou la décision unilatérale peut prévoir le montant de l'enveloppe destiné aux augmentations et primes individuelles.